Baron Sciv pénétra dans la taverne de la citadelle des Templiers avec cette respiration saccadée et haletante du guerrier qui revenait à la maison après beaucoup de temps et qui, malgré cette lourde carapace affective forgée au fil des années, sentait son coeur se mettre anormalement en branle, et se serrer à l'évocations des moments passés avec ses frères à l'époque dorée de la confrérie.
Les murs solides de la forteresse était toujours pareils, à peine plus décrépis que dans ses souvenirs. En revanche ils sonnaient désesperemment creux.
Plus de frères pour garder la porte...
Le frère déchu Templier nommé Baron Sciv prit sa voix la plus tonitruante:
"Frères Templiers! Goth!... "
Mais sa voix se répercuta dans un abîme de vide, il était clair que la place forte était déserte.
Baron Sciv reprit une goulée d'air, il suffoquait, la vague impression de faire de l'apnée, le coeur était lourd.
Après tout, c'était lui, qui, quelques années plus tôt avait déserté les champs de bataille... Certes il avait été contraint par une trajectoire mal négociée de sa vie, mais il ne pouvait s'empêcher de culpabiliser.
Baron Sciv s'avança plus dans la citadelle, il devait savoir ce qui était arrivé à ses frères.
Les protections de la grande porte fonctionnaient encore, et il dut faire appel à sa mémoire pour désactiver la barrière qui protége le sanctuaire de l'Ordre.
L'Ordre, un mot qu'il n'avait plus utilisé depuis belle lurette, une éternité, un temps qu'il avait employé dans une guerre sans vainqueur, une bataille sans gloire à récolter, dans un univers sans magie, quasi sans joie.
La bibliothèque de l'Ordre lui fournit une réponse à ses questions, ses frères de l'Ordre avaient du incorporer la bannière des Templiers à celle d'une autre faction.
L' ancien Templier releva la tête du grimoire qui consignait les faits de l'Ordre et croisa son reflet dans un vieux miroir poussiereux. Le temps avait réalisé son office, les cheveux était plus clairsemés, la cuirasse de chevalier Templier était dans un état de délabrement consummé, mais la croix ornait toujours son pourpoint.
Il imagina la tristesse que ses frères avaient du ressentir lorsqu'ils avaient quitté la forteresse et abandonné ce signe qui scellait la promesse faite de devenir la référence d'organisation et de stratégie imaginée par une poignée de Templiers revanchards... Une organisation rêvée par un Grand Maître des Templiers que la vie avait rattrapé lui aussi.
L'image fugace de Maître Davpil passa devant les yeux de celui qui fut frère Baron Sciv.
Décidemment, il n'y avait plus rien pour lui ici...
Il décida qu'il lui restait deux choses à faire avant de repartir de la citadelle de l'Ordre.
D'un pas décidé il se dirigea vers l'amurerie. Les lourdes portes grincèrent avant de glisser lentement sur leurs gonds et de livrer aux yeux du chevalier une salle poussièreuse mais magnifiquement ordonnancée.
Maître Gothmog avait certe quitté les lieux, mais il avait laissé une forteresse en parfait état de fonctionnement...
Baron Sciv ouvrit une armoire et prit une nouvelle tunique frappée du symbole de l'Ordre des Templiers qu'il enfila en remplacement de celle qu'il portait, il en profita également pour troquer son bouclier pour un écu de la confrérie.
Il sourit, sortit de la pièce en prenant soin de refermer la porte derrière lui.
Sans hésitation, il se dirigea vers la grand salle de réunion de l'Ordre, et devant le portrait des Maîtres des Templiers, ainsi que devant la Grande Croix, il re prononça ses voeux envers ses frères.
Puis, dans le bibliothèque attenante, déposa une missive à l'adresse des prochains visiteurs.
Devant la grande porte de la citadelle, après avoir reverouillé les sécurités, Baron Sciv réfléchit un instant puis reprit sa route en se disant qu'il reviendrait de temps en temps voir si les Templiers avaient reçu d'autres visites.
